De l’adrénaline à la frustration

Mi-août. Les journées fondaient depuis juin ; il faisait déjà nuit.

Je dînais seul, plus tard que d’habitude. Ma séance de sport avait traîné. Il faisait encore chaud. Mes fenêtres étaient vainement ouvertes ; la nuit ne venait pas à bout de la moiteur ambiante.

Le bruit métallique d’une disqueuse en action retentit soudain.

Une seconde, deux secondes…

À Paris, même la nuit, le bruit est courant. Les rebuts de la fin de journée se déversent dans les rues pour gueuler, quand ce ne sont pas les voisins qui envoient des coups de marteau à des heures indécentes.

Trois secondes…

– Eh ! Tu veux pas un coup de main toi là-bas ! dit un voisin qui passa la tête à une fenêtre.

Quatre, cinq secondes…

Ce bruit n’avait finalement rien d’habituel. Je me levai de ma chaise et vis, dans la rue, un Noir encapuchonné, vêtu d’un haut couleur treillis, qui s’empara d’un vélo, l’enfourcha et pris la fuite, à droite au coin de la rue.

Huit secondes…

Je ne réfléchis pas ; l’instinct commandait devant ce délit flagrant. Mon cœur pulsait sang et haine dans mon corps. Le vol est l’une des pires infractions ; il rompt le lien de confiance entre citoyens. Je le déteste.

J’enfilai un short en vitesse, pris mon portefeuille et me chaussai en un temps record, avant de dévaler les escaliers, oubliant mon téléphone dans la précipitation.

Vingt-cinq secondes…

Tout juste sorti de l’immeuble, je courus dans la direction du voleur, puis dans les rues que j’imaginais qu’il avait pu prendre sans jamais l’apercevoir. J’avais été trop lent ; je l’avais perdu ; je ne le revis jamais. Je rentrai chez moi, recouvert d’une pellicule de sueur.

L’adrénaline fit place au poison de la frustration :

— Pays de merde ! On ne peut rien posséder sereinement. On ne peut pas attacher son vélo dehors. On ne peut pas sortir seul à partir d’une certaine heure au risque de se faire insulter ou pire. Il faut fermer sa porte et même ses fenêtres pour ne pas se faire violer. Fait chier ! Il est déjà trop loin, ça ne sert à rien d’appeler la police, ils ne le retrouveront jamais.